Et si Eve…
Je m’appelle Eve, je suis née du caprice de Dieu ou de l’imagination des hommes…
Au début, tout était délice. L’air qui caressait ma peau, le soleil qui me chauffait les os, les parfums de l’Eden qui embaumaient ma vie, les émotions subtiles qui embellissaient mes jours… Tout était luxe, calme et volupté… Le paradis… semblait-il !
Je suis née peut-être simplement d’une légende… mais je suis née. Et là commence l’histoire.
Ils ont dit qu’Adam m’avait devancée. De la fantaisie de Dieu. Puis Dieu croyant qu’Adam s’ennuyait m’a faite chair, issue de sa côte… quelle histoire !
Et je l’ai séduit.
J’étais femme. En tant que femme je devais séduire. C’était écrit.
Mais le démon était homme… Mais l’homme refusait d’être objet de ses fantasmes, d’y être assujetti. L’homme refusait d’être séduit. Il inventa le Serpent !
Et le serpent tenta de me séduire. Pour que l’Homme n’eût point de remords… Le serpent, siffla, susurra, incita… l’homme à me faire croquer la pomme…
Son insistance m’alarma.. je réfléchis… je vis le monde en un éclair de lucidité. Je vis l’asservissement, la soumission, le renoncement… et j’eus peur. La pomme était l’envie et l’envie était funeste.
Si l’Homme avait soudoyé le Serpent, qui avait soudoyé l’Homme ? Etait-ce ce Dieu omnipotent, omniprésent ? Celui qui m’avait faite chair ? Et si le Serpent avait été soudoyé, il l’avait été pour quel objet ? quel dessein ? Je réfléchis encore….
Dieu avait mis en garde Adam, Adam m’avait mise en garde… le Serpent tenta de balayer tous nos préjugés. Croque la pomme disait-il, croque la pomme…. Et moi je voyais des pépins de pommes disséminés dans l’univers, des pépins, des ennuis, des misères…
Je vis alors les guerres, celles qui décimaient les Hommes, je vis alors les fléaux, la famine, les maladies, je vis la misère, la haine, je vis la mort…
Je réfléchis encore…
Des images m’apparurent en cinémascope couleur, une invention du futur… et ce que je vis m’effraya…
Si Dieu avait créé, avec l’Homme, la tentation… il avait aussi créé sa destruction. Si l’Homme était si faible qu’il ne savait pas voir, qu’il ne voulait pas voir qu’avec la pomme il connaîtrait la peur, la misère et la mort, alors je décidais, seule, d’être maîtresse de la vie et d’ignorer la mort….
Alors, alors...
Je n’écouterai point le Serpent vilain
Et dans la douleur, je n’enfanterai point…
Je m’appelle Eve,
Et de pomme je ne croquerai point !